Cette année, la journée mondiale contre le sida a encore une fois démontré la richesse et la diversité des initiatives communautaires dans ce domaine au Québec. Mais le contexte était, cette fois-ci, plus sombre qu’à l’habitude. Car le Québec subit, ces derniers mois, une cure d’austérité brutale et injustifiée. Résultat ? Les annonces de coupes budgétaires se multiplient, dans le domaine de la santé notamment. Et les organismes communautaires, souvent déjà en difficulté, sont aussi les victimes de cette politique destructrice.

Petit survol d’un 1er décembre en pays d’austérité…

PPrE en débat

Il est à mettre au crédit de l’organisme ACCM d’avoir organisé une discussion publique sur les enjeux de Prophylaxie Pré-Exposition (PPrE), le 28 novembre ! Dans le contexte de l’interruption des essais Proud et Ipergay, et alors que la PPrE « en continu » est déjà disponible à Montréal, il y avait en effet de quoi débattre. Le panel d’invités était d’ailleurs alléchant. Une belle initiative, en anglais… On attend avec intérêt l’équivalent en français ! Je n’ai pas pu m’y rendre, mais il y a eu, semble-t-il, un enregistrement vidéo des débats, affaire à suivre.

Manifestations

Par un heureux hasard, le 29 novembre était le jour de la grande manifestation contre l’austérité, organisée par les syndicats et les associations. Plus de 125 000 personnes ont défilé dans les rues du Québec, une réussite ! Un beau symbole aussi, de retrouver les militant-e-s du sida dans la rue contre les politiques libérales. Car l’austérité, faut-il le rappeler, fait le lit du VIH, des discriminations et de la dégradation des conditions de vie des personnes séropositives.

Face à « l’épidémie d’austérité », le Séro-syndicat organisait lundi une action revendicative, avec des slogans politiques bien inspirés : « On a besoin d’une injection de fond », ou « VIH : Very Important Human ». Un rassemblement plus large s’est ensuite déroulé au Parc de l’espoir, dans le Village, organisé par la Table des organismes montréalais de lutte contre le sida. Occuper la rue, malgré le froid, c’est un incontournable du 1er décembre !

Réflexions critiques

Enfin, ce 1er décembre était aussi l’occasion de prendre le temps d’analyser autrement l’épidémie de sida. C’était le propos de Marilou Gagnon, professeure à l’Université d’Ottawa, dans la conférence qu’elle a présentée à l’Université de Montréal, au séminaire du Méos. Son intervention sur les effets indésirables des traitements VIH a eu le grand mérite de mettre sur la table une question dérangeante, à l’heure des espoirs suscités par « la fin du sida ». Peut-on encore parler des choses qui fâchent dans ce contexte ? Et les professionnels de santé sont-ils en mesure d’entendre les difficultés rencontrées dans le soin par les PVVIH ? Telles étaient les grandes lignes de l’approche de M. Gagnon.

Sans dévoiler trop d’éléments d’une recherche en cours, deux remarques. La première c’est que son enquête qualitative a été victime de son succès : Marilou et son équipe ont du refuser des demandes d’entrevue, car les personnes séropositives ont répondu très massivement à l’appel, bien au-delà du nombre attendu dans le protocole. Les entrevues réalisées ont été, bien souvent, chargées d’émotions. Un bon indice du fait que les traitements et leurs effets indésirables restent une préoccupation majeure pour beaucoup… et que nombreux sont ceux et celles qui ne se sentent ni entendus, ni écoutés sur le sujet par leurs soignants. La seconde remarque, c’est que la question même des effets « secondaires » a pratiquement disparu de la production scientifique ces dernières années, à la grande surprise de Marilou et ses collègues lors de leur revue de littérature. À l’heure du « traitement comme prévention », l’enjeu parait être sorti des radars ! Un silence révélateur des conditions sociales et politiques de la recherche.

Gageons que les données de la recherche seront extrêmement utiles pour continuer à construire du plaidoyer sur la question des traitements et de leurs effets sur les corps et les esprits. Consultez sa bibliographie pour en savoir plus sur son travail.