À l’occasion de la réunion du Fonds Mondial à Montréal, voici une tribune cosignée par près de 150 acteurs de la société civile canadienne pour souligner les responsabilités particulières du Canada sur son propre sol pour lutter contre les épidémies. La tribune est parue dans le Huffington Post Québec.

Au Canada, comme partout dans le monde, soyons sérosolidaires !

Derrière les slogans, des actes

Les 16 et 17 septembre prochain, Montréal accueille la 5e conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Si les regards seront à juste titre tournés vers les pays en développement, nous pensons que la situation au Canada mérite d’être évoquée.

Créé en 2002, le Fonds mondial joue un rôle clé dans l’accès au traitement et à la prévention de ces trois maladies dans les pays en développement. Depuis 2008, du fait notamment de la crise économique, le financement du Fonds par les pays du Nord et les donateurs privés s’est fragilisé. La France n’a, par exemple, pas augmenté sa contribution depuis 2012. Dans les circonstances actuelles, ce statu quo constitue un recul. À l’inverse, le Canada a décidé d’intensifier ses efforts, en augmentant de 20% sa contribution au Fonds, l’amenant à la hauteur de 785 millions de dollars sur les trois prochaines années. Cet engagement est à saluer : il prouve la volonté du gouvernement de replacer le Canada en chef de file sur la scène internationale et rappelle qu’un coup d’épaule à la participation des donateurs permettrait d’en finir pour de bon avec ces trois épidémies.

Ce leadership assumé s’accompagne d’un certain nombre de responsabilités. Il est aujourd’hui largement démontré que les combats des droits humains sont indissociables de l’amélioration de la santé des populations et de l’accès équitable aux services de santé. Dans le domaine du VIH, on sait que les inégalités de genre, le racisme ou l’homophobie font le lit de l’épidémie. La précarité et les discriminations constituent autant de barrières à l’accès à la prévention et aux soins. C’est aussi le sens de l’engagement du Canada, comme en témoigne l’accent mis par Marie-Claude Bibeau – ministre du développement et de la francophonie – sur la situation des jeunes femmes face au VIH.

Pour jouer son rôle de chef de fil au niveau international, le Canada se doit d’être irréprochable dans la lutte contre les épidémies sur son propre sol. Car ici aussi, il reste des efforts à accomplir pour accorder la lutte contre le sida et la défense des droits humains.

Le Canada est en 2016 l’un des pays du monde où l’exposition au VIH est la plus criminalisée. En effet, des personnes vivant avec le VIH risquent encore la prison pour avoir des relations sexuelles sans avoir divulgué leur statut sérologique à leur partenaire y compris lorsqu’elles ont pris les précautions nécessaires pour éviter la transmission (port de condom ou charge virale indétectable) et qu’il n’y a pas eu de transmission. Cette législation renforce la stigmatisation, va à l’encontre des données scientifiques, des recommandations de l’ONUSIDA et n’a pas sa place dans un pays qui se présente en modèle à suivre.

Le leadership passe par la capacité à s’inspirer des meilleures politiques publiques, surtout lorsque celles-ci sont étayées par les preuves scientifiques. Dans ce cadre le Canada doit aller encore plus loin dans l’approche de réduction des méfaits, qui continue à faire ses preuves, et soutenir l’ouverture de sites d’injections supervisées. Il s’agit aussi de créer des environnements sociaux et légaux favorables aux travailleuses et travailleurs du sexe comme le préconisent des ONGs telles qu’Amnistie Internationale. Il est urgent de remettre en cause la loi C-36 qui criminalise le travail du sexe au Canada !

Cet événement international permet également de mettre en lumière la situation des migrants au regard des épidémies. Le dépistage obligatoire des candidats à l’immigration va à l’encontre des recommandations sanitaires canadiennes en la matière. Leur exclusion sur la base du statut sérologique ou de la situation de santé renforce les discriminations. Sous prétexte d’arguments économiques, cette politique creuse les inégalités. Il est grand temps de questionner l’accès universel aux traitements et leur prix.

La conférence du Fonds mondial est une occasion exceptionnelle de souligner l’engagement financier du Canada pour aider les pays les plus touchés par les épidémies de sida, de tuberculose et de paludisme. Si la solidarité internationale est un socle d’action extraordinaire, elle implique aussi d’être irréprochable dans son propre pays.

Sur ce plan, il reste encore du travail pour que le slogan « En finir pour de bon” avec les épidémies se traduise en actes dès à présent. Au Canada, comme partout dans le monde, soyons sérosolidaires !

Pierre-Henri Minot & Gabriel Girard

La liste complète des signataires est ici.