Je reproduis ici l’appel à communication que nous avons élaboré, Élise Marsicano, Kira Ribeiro et moi, pour le congrès de recherches féministes qui a lieu à l’UQÀM en août prochain. N’hésitez pas à le faire circuler ! (Et à répondre à l’appel !)
Objectifs du colloque
Depuis près de 35 ans, l’épidémie de VIH/sida a profondément redéfini le paysage global de la santé publique. L’épidémie a également agi comme le révélateur social d’inégalités structurelles préexistantes, de genre, mais aussi de classe, de sexualité et de race. Cependant, les enjeux du genre sont souvent restés cantonnés à la compréhension de spécificités féminines (biologiques, sociales, culturelles), sans nécessairement être envisagés comme un ensemble de rapports de pouvoir. L’objectif de ce colloque est de renouer avec des approches féministes des enjeux du VIH/sida. Les perspectives féministes, et leurs analyses critiques tant dans le monde militant que dans le monde académique, ont notamment permis de déconstruire l’objectivité médicale, mais aussi de dénoncer l’occultation des femmes dans les discours de prévention ou les essais thérapeutiques.
Il s’agira ainsi, dans ce colloque, d’ouvrir un espace de réflexion et d’échanges sur l’apport des perspectives féministes pour comprendre l’épidémie, au croisement de la recherche et de l’action. L’accent sera mis sur les expériences et/ou travaux contemporains, mais aussi sur les enseignements du passé. Le colloque aura également pour objectif de mettre en dialogue des réflexions issues des différents espaces de la francophonie, au Nord comme au Sud.
Quatre axes de réflexion
Le premier concerne les enjeux du corps et de la sexualité à l’ère d’une biomédicalisation croissante de la prise en charge du VIH. Avec les trithérapies, l’expérience de la séropositivité s’est considérablement transformée dans les pays où ces traitements sont aisément accessibles. Plus récemment, la notion de « charge virale indétectable » a redéfini le rapport à la sexualité et au risque. Mais ces avancées biomédicales soulèvent de nombreuses questions morales, politiques et économiques. L’individualisation des recommandations (de traitement, de prévention) s’accompagne en effet d’une individualisation de la responsabilité qui évacue les déterminants sociaux du soin et/ou de la sexualité. Cet axe s’intéressera donc aux questions soulevées par la biomédicalisation croissante de la prise en charge et de la prévention. Il s’agira aussi de s’interroger sur la façon dont les nouvelles technologies liées au VIH/sida (PrEP, traitement comme prévention, autotests, etc.) sont susceptibles de s’articuler avec la mise en place de normes et de politiques coercitives comme la criminalisation de la non-divulgation du statut sérologique, de l’exposition ou de la transmission du virus.
Le second axe recouvre les questions posées par la routinisation du concept de genre dans les recherches sur l’épidémie. Ici, comme dans d’autres domaines de recherche, le « genre » tend à devenir un mot-clé évident, évacuant le potentiel critique de l’analyse des rapports de pouvoir. On constate également que ces usages du genre se réduisent bien souvent à l’analyse de la « vulnérabilité » intrinsèque des femmes cisgenres hétérosexuelles, laissant de côté les enjeux trans, et/ou les relations homosexuelles. Cet axe proposera de développer une réflexion collective sur cette routinisation et ces omissions, à travers des analyses de la littérature scientifique, mais aussi à partir d’expériences théoriques et/ou de terrain pour renouveler les usages critiques du genre. Il s’agira de penser le rôle du genre dans la vulnérabilité face au VIH au-delà de la question des rapports hommes-femmes. Mais il sera aussi question d’analyser les rapports de genre et de sexualité dans la structuration de la recherche sur le VIH et des organisations de lutte contre l’épidémie.
Le troisième axe s’intéressera aux approches méthodologiques et théoriques mises en œuvre pour mieux comprendre la consubstantialité (ou l’intersectionnalité) des rapports sociaux dans le cadre du VIH/sida. Considéré comme une « épidémie politique », le VIH continue de concerner de manière disproportionnée des communautés et des individus qui subissent d’autres oppressions. Dans la continuité de l’axe précédent, il s’agira ici de partager des réflexions sur les multiples manières d’articuler théoriquement et empiriquement la multiplicité des rapports sociaux en jeu dans le champ du VIH : le racisme, le sexisme, les rapports de classe, la transphobie et l’homophobie, notamment.
Le quatrième axe s’intéressera aux perspectives féministes sur ce que signifie vivre « avec » le VIH et/ou le risque. La disponibilité des antirétroviraux a pu conduire à une moindre prise en compte, dans les politiques publiques et la recherche, des conditions de vie avec le VIH et/ou avec le risque en 2015. Cet axe portera sur ces questions, en s’intéressant à la fois aux transformations socio-historique du « vivre avec », et aux enjeux actuels pour les femmes (trans et cis) séropositives et leurs partenaires. Il s’agira de questionner la diversité de ces expériences, au Nord et au Sud. Mais cet axe s’attachera aussi à ouvrir une réflexion sur l’invisibilité des vécus minorisés de la séropositivité, notamment pour les noir·e·s, les travailleurs·ses du sexe, les autochtones, les précaires, les usagères de drogue, les lesbiennes et les trans.
Consignes pour les résumés
Les résumés, de 250 mots maximum et accompagnés d’un titre, sont attendus pour le vendredi 20 février 2015. Ce colloque vise à réunir des actrices communautaires, des chercheur·e·s et des individu·e·s qui ont une expérience à partager autour des enjeux du VIH/sida. Cet appel s’adresse donc à toute personne impliquée dans la lutte contre le VIH et/ou concernée par le VIH, et ne se limite pas aux champs académiques et universitaires.
Adressez vos propositions de résumé à : feminismes.vih.mtl2015@gmail.com
Précision : nous n’avons pas de fonds disponibles pour financer les voyages et/ou les hébergements des participant·e·s.
Colloque organisé par :
Gabriel Girard (Institut de recherche en santé publique, Université de Montréal)
Élise Marsicano (Université de Strasbourg)
Kira Ribeiro (Université Paris 8)
Avec le soutien du Réseau des jeunes chercheur·e·s en sciences sociales sur le VIH/sida