Depuis maintenant deux ans, j’ai le plaisir de participer à l’organisation des conférences « La santé en débat », avec mes collègues Estelle Carde (Université de Montréal), Alexandre Klein (Université Laval) et Pierre-Marie David (Université de Montréal). Ces cycles de conférences saisonniers s’inscrivent dans le cadre des activités du réseau Québec Sciences Sociales et Santé, et se tiennent (généralement) les jeudis, tous les 3 à 4 semaines à Montréal. La saison d’hiver 2019 commence le 17 janvier, retrouvez tous les détails ici !

Cycle de conférences « La santé en débat »- Hiver 2019

Si la santé se veut « un état de complet bien-être », elle reste dans les faits, bien souvent, un véritable champ de bataille. Le monde de la santé est en effet façonné par des tensions et des rapports de force divers, dont témoignent des réalités aussi variées que la contestation des politiques d’austérité en santé, l’évolution des relations entre patients et médecins, la médicalisation des problèmes sociaux, l’institutionnalisation de la démocratie sanitaire ou la commercialisation de nouveaux médicaments. Ces relations de pouvoir au caractère normatif, régulateur et souvent inégalitaire qui animent les enjeux de santé constituent un objet classique pour les sciences humaines et sociales. Dans le cadre de la session d’hiver 2019 du séminaire « La santé en débat », nous entendons poursuivre la réflexion à leur sujet en questionnant les multiples formes de résistance qui s’y dessinent.

Si la résistance peut être envisagée comme une simple opposition au changement, ou encore une volonté ferme de refuser la soumission, elle est également un espace de création de normes et de valeurs parfois des plus inattendus. C’est cette dimension que nous souhaiterions analyser à partir de l’exposé de projets militants, scientifiques, épistémologiques, pratiques comme théoriques. Qu’est-ce que peuvent nous apprendre le refus de traitement, les mouvements pour la sauvegarde des services publics, la défense des médecines alternatives, le rejet des normes de prévention, les contestations des catégories du DSM, l’automédication, les questions d’antibiorésistance ou les démarches de refus de la stigmatisation ? Quelles formes de résistance se cachent derrière ces objets des plus divers ? Dans quels rapports de forces, créatrices ou destructrices, engagent-elles l’individu, son corps et ses relations sociales ? Enfin, quels horizons sociaux, politiques, mais aussi épistémiques ou biologiques contribuent-elles concrètement à construire ?

Ce sont ces questions que nous entendons aborder au fil des séances de cette saison qui exploreront les résistances, individuelles et/ou collectives, dans le domaine de la santé. Il s’agira notamment de questionner la manière dont le champ de la santé, et avec lui les chercheur(e)s en sciences humaines et sociales qui s’y intéressent, tentent de résister à la médicalisation historique et croissante de cette notion comme du domaine de savoirs et pratiques qu’elle recouvre. Nous nous intéresserons pour ce faire tant aux postures (militantes, scientifiques, éthiques, et /ou épistémologiques) qu’aux modes d’action qui permettent aujourd’hui de réinventer la santé et la question de son monopole, au profit d’un partage politique, économique et épistémique plus démocratique.

Programme Hiver 2019

Jeudi 17 janvier 2019 : Lise Dassieu (Université de Montréal) : Résister à la stigmatisation : médecins et patient.e.s dans la prise en charge de la dépendance aux drogues. 

Jeudi 7 février 2019 : Marie-Claude Thifault (Université d’Ottawa) : À contre-courant… révolutionner la psychiatrie, 1960-1970.

Jeudi 28 février 2019 : Camille Limoges (CIRST) : Liberté et normativité du vivant : un philosophe et médecin en Résistance, Georges Canguilhem, 1940-1944.

Mercredi 27 mars 2019 : Louis-Patrick Haraoui (Université de Sherbrooke) : Résistance antimicrobienne en zones de conflits armés.

Jeudi 11 avril 2019 : Martin Beaulieu (Université du Québec à Montréal) : L’usage thérapeutique du cinéma pour le traitement des désordres mentaux entre 1895 et 1950: histoire d’une pratique résistante.