La conférence AFRAVIH 2016 de Bruxelles s’est achevée hier matin, samedi 23. Je n’ai pas pu assister à cette matinée, étant déjà dans l’avion pour Montréal ! Dans ce dernier billet, je vous propose un survol de quelques points forts de la conférence [Les vidéos des sessions sont maintenant disponibles ici].

Le futur, ce n’est pas ce qui va arriver, c’est ce que nous allons faire (G. Bachelard).

Migrations et VIH

Les enjeux de migrations ont été l’un des fils conducteurs de la conférence, actualité oblige. Difficile en effet de se trouver à Bruxelles, au coeur de l’Europe politique, et de rester indifférents au sort des centaines de milliers de migrants et de réfugiés qui fuient des zones de guerre. La question de l’accueil des migrants malades a ainsi été au coeur des propos introductifs de la session « Populations clés » du 21 avril (page 66). Dans une intervention à deux voix, Sandrine Musso et Caroline Izambert sont revenus sur les luttes dans ce domaine en France… insistant sur les menaces qui pèsent actuellement sur les droits acquis. Sur ces sujets, l’excellent texte de Caroline dans La Vie des Idées est à (re)lire !

Plusieurs sessions de l’AFRAVIH, et un symposium de l’ANRS (page 74), ont permis de découvrir les résultats détaillés de l’enquête Parcours, menée par Annabel Desgrées Du Lou. L’enquête a étudié les déterminants sociaux de la santé — en particulier le VIH et l’hépatite B — chez des migrants d’Afrique subsaharienne en France. Parcours révèle notamment qu’une large part des migrants sont infectés après leur arrivée en France, ce qui contredit les discours alarmistes de droite comme de gauche sur l’immigration « thérapeutique ». L’enquête offre également une analyse passionnante des trajectoires individuelles d’installation en France. La précarité durable (logement, papiers, emploi) apparait ainsi comme un déterminant majeur des conditions de santé.

Six à sept ans après leur arrivée en France, la moitié des migrants d’Afrique subsaharienne n’ont toujours pas les trois éléments d’installation que sont un titre de séjour d’au moins un an, un logement personnel et un travail. Au bout de onze à douze ans, un quart d’entre eux ne les ont toujours pas. Cette longue période de précarité (…) tient plus aux conditions d’accueil (longueur du processus de régularisation, marché du travail segmenté, discriminations) qu’aux caractéristiques individuelles des arrivants (Gosselin et al., 2016)

Pour en savoir plus sur l’enquête, découvrez le nouveau numéro de Population & Sociétés, ou l’article à paraitre dans la prochaine édition de La Recherche !

Et le Québec ?

Je ne les ai pas encore évoquées, mais les recherches québécoises étaient bien représentées à la conférence ! C’est notamment le cas du travail de Mylène Fernet de l’UQAM, dans la session « Femmes et VIH » (page 56), du Net Gay Baromètre d’Alain Lébon dans la session « Populations clés » (page 66), ou des données de la Clinique l’Actuel qui ont été présentées dans plusieurs sessions sur la PrEP, la PEP, les ITSS ou l’hépatite C. En session plénière, le Dr Jean-Pierre Routy est intervenu sur la thématique de la guérison, le vendredi matin. Sans compter les nombreux posters, qu’on peut retrouver dans le programme à partir de la page 117 !

L’agenda politique de la lutte contre le VIH

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, les questions liées à la PrEP ont occupé une large place dans les discussions de la conférence. Et des voix dissonantes ont d’ailleurs commencé à se faire entendre, comme le prouve le texte diffusé par le STRASS et UTSPOI, deux organisations de travailleurs/euses du sexe. Intitulée « Les TDS ne veulent pas la PrEP », cette prise de position provocatrice ne manquera pas de susciter des réactions sur les réseaux sociaux dans les prochains jours.

Sur le fond, le texte exprime un malaise, partagé par plusieurs durant l’AFRAVIH, de voir la PrEP occuper toute la place, au détriment d’autres combats pour les droits des minorités. La préoccupation est légitime, mais relève en partie du procès d’intention. Quoi qu’on pense du texte de l’appel de Bruxelles et de son opportunité stratégique, les signataires sont certains des acteurs du champ du VIH les plus impliqués pour la défense des droits humains. On peut discuter également la méthode : l’appel a été élaboré dans les réseaux de la Coalition Plus, et associe donc peu d’autres voix. Mais pourquoi ne pas plutôt s’en saisir pour ouvrir un débat, plutôt qu’affirmer de façon un peu rapide que « les TDS ne veulent pas de la PrEP » ?

Plus largement, cette réaction et les échanges de couloirs lors de l’AFRAVIH ont le mérite de pointer plusieurs discussions sur l’agenda politique de la lutte contre le VIH. En ressort malheureusement un sentiment d’impuissance face aux « grosses machines » que représentent AIDES ou la Coalition Plus. Sans doute manque-t-il dans le paysage un observatoire indépendant de la PrEP (et de la prévention combinée), qui allierait des acteurs soucieux des conséquences de ces nouvelles technologies. Une structure qui serait aussi en capacité de consulter les communautés concernées et d’émettre des avis ou des recommandations. Plus facile à écrire qu’à faire, j’en conviens, mais cela pourrait être un débouché intéressant à l’inconfort/aux désaccords exprimés par plusieurs.

À titre plus personnel, j’aurais trouvé judicieux qu’il y ait deux appels de Bruxelles. L’un sur la PrEP, et l’autre exprimant une position collective forte sur la situation sanitaire des migrants. Car comme l’ont révélées les différentes sessions sur le sujet, on assiste à des régressions très préoccupantes dans ce domaine.

Rien à voir avec la conférence, mais en rentrant à Montréal j’ai écouté une intervention de Jean-Luc Mélenchon (de passage au Québec ces jours-ci), qui terminait avec cette citation de Bachelard, qui s’applique bien à la lutte contre le VIH : « Le futur, ce n’est pas ce qui va arriver, c’est ce que nous allons faire ». Une très bonne manière, je trouve, de conclure cette série de billet.


À travers ces trois billets, il s’agissait de donner un éclairage subjectif sur quelques temps forts de l’AFRAVIH. Pour des récits plus complets, n’hésitez pas à consulter :

  • Les textes sur Séronet
  • Le dossier AFRAVIH sur vih.org
  • Et sur le site du COREVIH-Bretagne

Ce billet est publié conjointement sur le site du Portail VIH/sida du Québec.