Ça y est, c’est le 1er décembre (dans quelques jours) ! À cette occasion, je ne vais pas me lancer dans une analyse sur les tendances de l’épidémie ou de la prévention, d’autres s’en chargent très bien. Non, j’ai plutôt envie d’en profiter pour tirer un bilan de l’année 2013 en terme de prévention chez les gais. Mais un bilan en image et en ligne ! Alors, quoi de neuf dans les messages de/autour de la prévention ?

Le défi de ce bilan ? Se limiter à 2013, alors qu’une recherche sur google fait ressortir pas mal de visuels/campagnes originaux et percutants ces dernières années. Mais il faut aussi choisir… Je me suis donc accordé une marge de trois « nominés » par catégories ! Et pour certains d’entre eux, je me suis réservé le droit de quelques critiques (quand même !). Avant de commencer, précisons que les réalités hispanophones, lusophones ou arabophones sont absente de mes trouvailles. Un déficit que j’aimerais bien comblé à l’avenir !

Trois sites

2013, la prévention en image et en mots, ce sont d’abord trois sites, découverts cette année.

  • « Prêt pour l’action »

À tout seigneur, tout honneur, le premier est québécois, c’est le site Prêt pour l’action de la Coalition des Organismes Communautaires Québécois de lutte contre le Sida (COCQ-Sida). Ce site donne une information très diverse sur les enjeux de la sexualité gaie. Visuellement, il est attractif et il permet à chacun de « profiler » sa demande, en fonction de son statut sérologique, du nombre de partenaire, de ses pratiques, etc. Un site qui répond bien, je trouve, aux enjeux de la prévention combinée (Quelques sections devraient être mises à jour, notamment sur la Prophylaxie Pré-Exposition).

Je trouve vraiment bien faite la possibilité de se faire « rappeler » par texto les échéances de dépistage (une, deux ou trois fois par année, si l’on est séroneg) ! Une critique ? Le site s’annonce comme inclusif pour les gars trans et leurs partenaires… il y a quelques progrès à faire ! On trouve certes une section spécifique, mais on aimerait bien que les infos sur le sujet soient présentes de manière plus transversale.

  • « Prep facts »

L’autre site qui ressort du lot cette année, c’est Prep facts ! Le site est californien, et il constitue l’un des meilleurs exemples d’une communication belle et bien faite sur la question de la Prophylaxie Pré-Exposition.

Le site se distingue sans conteste par son graphisme ! Le site est vraiment beau, je trouve. Et il a évolué depuis la première fois que je l’ai vu, en proposant des entrées ciblées pour les couples hétéros, les gais, les hispanophones… Une critique ? Vous allez dire que je défend mon pré carré, mais c’est dommage qu’il n’y ait pas un mot sur les enjeux de la PPrE intermittente et l’étude IPERGAY, actuellement en cours en France et au Québec !

  • « My life on prep »

Puisqu’on parle de PPrE, et c’est quand même le sujet qui occupe nombre de débats sur la prévention en ce moment, je trouve très intéressant (et inspirant) que des personnes acceptent de raconter leur expérience avec cet outil. C’est le cas de Len Tooley (parmi d’autre), au Canada, sur le site Positive Lite.com. Son récit sous forme d’interview en trois partie présente avec beaucoup de sincérité sa démarche, ses questions, ses relations avec son médecin, etc. À lire !

Les témoignages autour de la PPrE sont vraiment importants, car ils contribuent à démystifier cet outil, et surtout la démarche de ceux qui l’utilisent ! J’ajoute d’ailleurs celui de Marc-André Leblanc, qui a le mérite d’être traduit en français !

Alors que la PPrE suscite des réactions d’hostilité de tous ordres, prendre en compte leur parole est une donnée incontournable du débat. Ma principale réserve concerne un point aveugle dans le contenu de l’interview : Len est un gai cisgenre, activiste dans le milieu sida, et donc plus informé que la moyenne sur la PPrE. Dommage que ce point de vue « situé » — et les limites qu’il comporte — ne soit pas plus explicite !

Trois blogs

Cette année, j’ai découvert et apprécié trois blogs qui concernent la lutte contre le sida (mais pas uniquement) !

  • « Talk to the hump »

Commençons par le blog de Ken Monteith, qui est aussi directeur général de la COCQ-Sida. Le blog est sous-titré avec humour « the ravings of a gay men living with AIDS and Lipodystrophy ». Le ton est donné, ironique et drôle. S’il s’agit avant tout d’un blog sur l’actualité culturelle (au sens large), la question du sida y est régulièrement traitée avec beaucoup de finesse d’analyse (par exemple ici). À suivre donc !

  • Le site de Ryan Whitacre

Le nom de ce chercheur ne vous dira sans doute rien… Il est doctorant à l’Université de Californie, San Francisco et à l’UC Berkeley. Ryan est anthropologue des sciences et il s’intéresse — entre autres choses — à la PPrE. Je trouve que son travail apporte un regard intéressant et important sur le sujet, en particulier car il a suivi de près l’essai I-Prex aux États-Unis. Il met en effet les enjeux de prévention en perspective avec une approche originale. Ses publications et son mémoire de maitrise sont par ailleurs accessibles sur Academia.

  • « Homotectonic »

Soyons honnête, je suis un fan de longue date du travail du sociologue australien Kane Race ! Et pour avoir eu l’occasion de le rencontrer quelques fois, c’est une personne adorable et pas du tout intimidante (alors que ces écrits le sont un peu, parfois !). Bref. Le site est vraiment bien fait, même s’il n’est pas très souvent mis à jour. Kane Race y présente ses questionnements et ses réflexions sur la prévention gaie, et c’est très intéressant. Il est par ailleurs lui aussi très généreux sur Academia, pour ceux et celles que ça intéresse d’en savoir plus !

Trois vidéos

C’est maintenant au tour des vidéos de prévention, avec une sélection tout à fait subjective !

  • « Avec toi, j’en mets pas ! »

Réalisé dans le cadre des campagnes de prévention de Yagg (Tu sais quoi ?), avec le soutien de l’INPES, le film de Bruce et son équipe est tout simplement excellent. Non seulement parce qu’il rend visible des réalités trop souvent occultées dans la prévention gaie, mais aussi parce qu’il est parlant et questionnant, de mon point de vue de cisgenre, je trouve. Et puis quel final ! Bravo pour ce travail !

Si j’avais juste une critique à formuler, cependant ce serait que le clip n’ouvre pas tellement de piste(s) pour l’après prise de risque. Des infos sur le dépistage ou la Prophylaxie Post-Exposition auraient été bienvenues, à la fin. Mais bon, on ne peut parfois pas tout dire dans le même message…

  • « Ça peut changer la VIH »

Ce petit clip là est québécois, de Québec (la ville). Il fait partie d’une série de vidéos qui aborde aussi les réalités vécues par les usagèr-e-s de drogue et les travailleurs/euses du sexe, réalisés par des organismes communautaires avec le soutien de la santé publique. Le grand mérite, selon moi, c’est de donner à voir la réalité de la prévention pour un certain nombre de gais, et notamment les présomptions erronées qu’on peut se faire autour du statut sérologique de l’autre. Dans ce cadre là, il est vraiment bien fait.

La campagne est à certains égards un peu dramatisante. Mais elle ne stigmatise pas les relations sans préservatif, elle met surtout l’accent sur les risques du « sero-guessing ».

  • « Ending HIV »

Prenant le contrepied de la précédente, cette vidéo australienne s’inscrit dans les diverses campagnes menées autour de la fin de l’épidémie. On y retrouve l’optimisme volontariste qui caractérise les discours actuels au niveau international. En l’occurrence, il s’agit d’une campagne d’ACON, organisme de promotion de la santé LGBT. Il est intéressant de noter que la vidéo commence avec des images de manifestations pour la libération homosexuelle, ce qui met l’accent sur les dimensions politiques des combats à mener face au VIH aujourd’hui.

La vidéo est très (et même trop ?) efficace, dans sa démonstration. Au risque d’y perdre parfois les personnes concernées ? Un blogger australien parlait d’ailleurs récemment de l’évolution actuelle de la prévention comme d’une « révolution avec des rues vides ». La question de « comment communiquer » sur la prévention combinée sera, sans aucun doute, au coeur des discussions en 2014.

Les deux dernières vidéos sont en fait complémentaires, à mon sens : elles s’adressent à différentes réalités. Mais on ne peut s’empêcher de constater l’écart qui existe entre l’optimisme affirmatif des uns… et les paroles plus nuancées des autres. L’avenir de la prévention s’écrira vraisemblablement dans notre capacité à agir sur cet écart…

Trois affiches

Pour terminer cette rétrospective visuelle et web de la prévention cuvée 2013, voici trois affiches parmi d’autres que j’ai bien aimé.

  • « Fuck positive »

Publicisée début 2013, la campagne de l’Aide Suisse contre le Sida a fait parler d’elle dans la presse (ce qui était le but !). L’idée est de jouer sur les mots et en l’occurrence, de remettre la question du statut sérologique sur la table et d’alerter la communauté sur la hausse des nouvelles infections. Ce que j’aime dans la campagne, c’est son côté « dépouillé » (pas que au niveau vestimentaire, je précise) : pas de texte long, pas d’injonction, juste un rappel sur la santé sexuelle et le bien-être chez les gais…et une interpellation sur la sérophobie dans la communauté. Du moins, c’est mon interprétation !

  • « Conjuguez le dépistage »

L’affiche est montréalaise, elle date de cet été, et elle émane de l’organisme RÉZO. Je la trouve parlante et percutante. Un bon exemple qu’on peut faire une chouette campagne de prévention sans agence de com’ (je le sais parce que j’ai eu des indiscrétions !), en comptant sur le remue-méninge des militants. Une conjugaison du dépistage qui prend toute sa saveur dans une ville culturellement bilingue !

  • « Mr HIV »

L’association Warning-Bruxelles a eu une excellente idée en lançant ce « concours » de Mr HIV pour la Saint Valentin ! L’idée de séro-fierté a été lancé par Warning en 2008, à l’occasion de la marche des fiertés. Dans cette campagne, le message est percutant et inclusif, quelque soit le statut sérologique. Je trouve que la démarche vient également questionner la sérophobie dans la communauté, et plus largement l’absence de visibilité de la séropositivité. Un exemple à suivre !

Voilà, s’en est fini de ce retour sur 2013… Bonne « saint sida » à tous et toutes !